Workaholisme : qu’est-ce que la dépendance au travail ?

Workaholisme : qu’est-ce que la dépendance au travail ?

Bureau sans frontière, gloire aux heures supplémentaires, repos du salarié oublié : et si vous étiez workaholique ? Depuis le début de la crise sanitaire, le coronavirus a fait emménager nos réunions dans nos maisons et a entériné la dépendance au travail dans la vie de nombreux travailleurs. Portrait d’une addiction souvent déguisée en passion.

Quand travailler devient une drogue. Conséquence invisible de la crise du covid, la dépendance au travail aussi appelée workaholisme est en passe de devenir un nouvel enjeu sanitaire. Ce terme qui condense les mots work (travail) et alcoholism (alcoolisme) a été créé en 1968, puis popularisé en 1971 par le psychologue américain Wayne Oates, auteur du best-seller Confessions of a Workaholic.

En France, cette addiction se traduit aussi par “bourreau de travail” ou encore “ergodépendant”. L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail (INRS) définit cette dépendance comme “un investissement excessif d’un sujet dans son travail et à une négligence de sa vie extraprofessionnelle“.

Attention à ne pas confondre passion et workaholisme. La frontière entre les deux est mince. Ainsi, productivité, performance et engagement doivent rester des valeurs positives et ne peuvent se transformer en travail acharné, rupture sociale ou encore oubli de soi au profit de ses missions.

Le covid, un accélérateur de dépendance ?

Depuis le début de la pandémie de covid-19, en mars 2020, bon nombre de salariés ont installé leur bureau à la maison. La généralisation du télétravail a donc fait exploser toutes les frontières. Dorénavant, les ordinateurs trônent dans les salles à manger. Les dossiers urgents jouent du coude avec les livres de maths. Le jeudi, réunion compta avec toute la boîte et le samedi, raclette en famille. Bref : rien ne va plus dans le monde de la déconnexion. La vie professionnelle a bien posé sa petite valisette dans la vie personnelle.

Et tout ça ne se fait pas sans risques. Selon une étude de GAE conseil, cabinet de conseil spécialisé en prévention des addictions en entreprise, et l’institut Odoxa, auprès de 3000 Français, en octobre 2020, 41% des salariés ont fait état de pratiques addictives plus fréquentes en télétravail versus sur leur lieu de travail. Après le tabagisme et l’alcoolisme, le workaholisme, apparu par surprise comme l’une de ces pratiques addictives, était alors en hausse de 61% chez les télétravailleurs.

Éloignement physique des collègues et managers, absence de perspectives, solitude, stress, situation familiale difficile, impossibilité de déconnecter : les facteurs favorisant la dépendance au travail sont nombreux et ont été exacerbés par la crise sanitaire et l’instauration du télétravail. D’autant plus que cette pratique s’est installée dans le temps.

Voilà donc pourquoi le workaholisme fait des ravages chez les salariés depuis l’apparition du coronavirus dans nos vies en entreprise.

Comment reconnaître un workaholique ?

Selon une enquête de l’INRS, le profil type du dépendant au travail est une femme de 38 ans en couple avec enfant(s). En effet, ces dernières présentent un risque de dépendance au travail presque deux fois plus élevé que les hommes.

Les différents spécialistes du sujet s’accordent sur ses caractéristiques précises afin de définir le profil du workaholique.

  • Il est souvent perfectionniste
  • Il est anxieux et à peur de mal faire
  • Il est irritable
  • Chaque tâche lui prend du temps pour être faite “parfaitement”
  • Déléguer ? Jamais !
  • Il n’est pas forcément efficace et très productif
  • C’est un solitaire au travail
  • Il ne compte pas ses heures (la dépendance est notée à partir de plus de 7h supplémentaires par semaine) et ne prend que très peu de congés
  • Il néglige sa famille
  • Il délaisse ses activités et ses loisirs
  • Il perd la notion du temps et oublie de se nourrir

Des premiers signes qui peuvent devenir de véritables troubles si le workaholisme n’est pas pris en charge à temps. En effet, une récente étude, menée par des chercheurs de la National Research University Higher School of Economics (HSE) à Moscou, en Russie et publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, montre que les “bourreaux de travail” peuvent développer des dépressions, des troubles de l’humeur, de l’anxiété, des troubles du sommeil ou encore des burn-out (syndrome d’épuisement professionnel).

Notons tout de même que les études sur le workaholisme s’accordent sur le fait que même si l’addiction au travail survient chez des salariés prédisposés à la dépendance, cette conduite addictive s’aggrave en fonction du contexte de travail. Ainsi, la pression au travail, le besoin d’augmenter la productivité et l’omniprésence de technologies de communication sont des facteurs importants dans le développement de l’ergodépendance.

Je suis workaholique, comment m’en sortir ?

Nombreux sont les work-addicts qui déroulent leur journée une fois dans leur lit et planifient la suivante sous la douche“, a expliqué Pascale Senk, spécialiste et autrice d’un ouvrage sur le sujet dans une interview à Doctissimo. Et malgré un engrenage puissant, il est possible de s’en sortir !

Les psychologues du travail s’accordent sur un chemin à suivre pour sortir de la dépendance au travail :

  • Ecoutez son entourage : souvent, les proches sont les premiers à remarquer des changements d’attitude
  • Prendre conscience de la dépendance
  • Consulter un professionnel qui pourra orienter le salarié vers une thérapie cognitive et comportementale
  • Réapprendre à équilibrer vie professionnelle et vie personnelle : respecter ses horaires de travail et ses jours de repos, prendre des congés, couper ses mails

Si vous êtes managers, c’est aussi à vous d’empêcher ce genre de situation de s’installer et à vous d’être capable d’identifier ces comportements avant qu’ils n’aient d’importantes conséquences sur votre salarié. Comment ? En limitant la quantité d’information, en régulant les canaux de communication (limiter à une seule messagerie), en imposant la fermeture de vos bureaux à certains horaires et en imposant une frontière entre vie privée et vie pro.